GIGN et Calédonie, une longue et lourde histoire

Des renforts du GIGN ont été envoyés en Nouvelle-Calédonie ces derniers jours. La relation entre l'unité et le territoire est "une longue histoire" liée aux soubresauts du Caillou. "Marquée par des morts et des blessés" comme l'explique le journaliste Pierre-Marie Giraud, auteur du GIGN par ceux qui l'ont commandé paru aux éditions Mareuil, à l'occasion des 50 ans de sa création.


Quel GIGN se retrouve à nouveau en Nouvelle-Calédonie face à ces émeutes ?
Actuellement, une centaine de gendarmes du GIGN sont présents sur le Caillou. Il y a une quarantaine de gendarmes de l’antenne GIGN de Nouméa, installée en permanence sur l’île. Une soixantaine sont venus en renfort au début des émeutes, le 14 mai. Ils appartiennent au GIGN central de Satory et à des antennes de métropole et d’outre-mer. Lors de l’opération sur l’île d’Ouvéa en avril et mai 1988 pour libérer la vingtaine de gendarmes retenus dans la grotte de Gossanah, dans le nord de l’île, il y avait eu une soixantaine de gendarmes d’élite, tous venus de métropole : 30 du GIGN et 30 de l’escadron parachutiste de la gendarmerie nationale (EPIGN). L’EPIGN sera intégré dans le GIGN, lors de la réforme de 2007. A titre de comparaison, le GIGN de 1988 comptait au total 85 hommes. En 2024, il y a un millier d’hommes et de femmes au GIGN, répartis entre le GIGN central et les sept antennes de métropole et les sept d’outre-mer.

Quelles sont ses missions aujourd’hui en Nouvelle-Calédonie?
Elles correspondent aux trois missions de base du groupe : intervention, acquisition du renseignement, protection. Ainsi des membres de l’unité participent à des missions d’exfiltration de gendarmes et de policiers isolés par les barrages et menacés par les violences. D’autres planquent très discrètement au plus près des émeutes pour repérer les auteurs de violences et permettre leur arrestation. D’autres enfin escortent les autorités administratives et judiciaires lors de leurs déplacements.

GIGN et Nouvelle-Calédonie, c’est une lourde histoire ?

Oui c’est, en effet, une longue histoire marquée par des morts et des blessés. Le 11 janvier 1985, Eloi Machoro et Marcel Nonnaro, deux militants du FLNKS, sont mortellement blessés par des tirs de neutralisation du GIGN, lors de l’occupation d’un ferme d’un caldoche à La Foa, à une centaine de km au nord-ouest de Nouméa. Le 22 avril avril 1988, quatre gendarmes sont tués par un commando du FLNKS sur le site de la brigade de Fayoué. Parmi les quatre morts, figure le major Georges Moulié de l’escadron de gendarmerie mobile EGM 24/6 d’Antibes, père d’Eric Moulié affecté alors au GIGN à Satory. Deux semaines plus tard, le 5 mai, dix-neuf indépendantistes du FLNKS seront tués lors de l’opération Victor, dans la grotte de Gossanah où étaient détenus en otages une vingtaine de gendarmes. Lors de l’assaut, menés par des forces spéciales (11e Choc de la DGSE et commando Hubert) et par le GIGN, deux membres des forces spéciales avaient été tués. Le lieutenant Laurent Timothée avait été très grièvement blessé à la tête par une balle de 7,65 mm et un sous-officier, également du GIGN, Jean-Marie Grivel avait été blessé d’une balle dans l’épaule.

L’opération Victor menée à Ouvéa pour libérer les otages reste-t-elle l'une des grandes interventions de l'unité ?
Parmi les milliers d’opérations du GIGN, depuis sa création en 1974, quatre opérations d’envergure ont particulièrement marqué l’histoire de l’unité. En février 1976, neuf gendarmes du GIGN, envoyés à Djibouti lors de prise d’otages d’une trentaine d’enfants de militaires français à bord d’un ramassage de bus scolaire, avaient libéré les enfants. Ils avaient tué cinq preneurs d’otages en même temps grâce à la mise en oeuvre - unique jusqu’à présent - du tir simultané, inventé par Christian Prouteau, créateur de l’unité. En mai 1988, s’était déroulée l’opération Victor sur l’île d’Ouvéa avec la participation du GIGN commandé par Philippe Legorjus. Le 26 décembre 1994 sur l’aéroport de Marignane (Bouches-du-Rhône), le GIGN emmené par Denis Favier, libérait les 173 otages de l’Airbus d’Air France et tuait les quatre membres d’un commando du Groupe islamique armé. Cette opération reste à ce jour la plus importante libération d’otages réalisée à bord d’un avion. Enfin, le 9 janvier 2015, le GIGN neutralisaient à Dammartin-en-Goële (Seine-et-Marne) les deux frères Kouachi, qui avaient tué deux jours plus tôt une dizaine de personnes dans les locaux du journal Charlie Hebdo.

Le GIGN fête cette année son 50e anniversaire. Quel bilan peut-on dresser?

Au fil des années, le GIGN est devenu la plus grande unité d’intervention d’Europe, respectée par ses pairs dans le monde entier. Formée de 18 hommes à sa création en mars 1978 et commandée par un lieutenant, Christian Prouteau, l’unité compte aujourd’hui un millier de gendarmes, commandés par un général de division, Ghislain Réty. Tout au long de ces 50 années, le GIGN a su garder précieusement ses valeurs : sélection impitoyable, formation très exigeante, amélioration permanente de ses capacités techniques, innovation. Tout en n’oubliant pas sa devise « S’engager pour la vie ». En 2023, le GIGN a réalisé en moyenne huit missions (Intervention, protection, acquisition du renseignement) chaque jour, interpellé un forcené par semaine et 865 autres personnes. Sans compter dix interceptions de go fast. L’unité travaille simultanément sur onze "théâtres" tout au long de l’année.

Le GIGN est l’une des trois unités d’intervention du ministère de l’Intérieur ?

Effectivement. Ces unités d’intervention sont placées sous l’autorité du ministère de l’Intérieur : la brigade de recherches et d’intervention de la préfecture de police de Paris (350 hommes) pour la capitale et les trois départements de la Petite couronne; le Raid (Recherche assistance intervention, dissuasion (400) dans le reste de la zone police en métropole et outre-mer; le GIGN en zone gendarmerie en métropole et outre-mer. Depuis avril 2016, les trois unités peuvent intervenir en dehors de leurs zones, sous l’égide de l’unité de coordination des forces d’intervention (Ucofi).

Le GIGN par ceux qui l’ont commandé, Pierre-Marie Giraud, Mareuil Editions

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