Pauvre de moi !

 

Il m’arrivait systématiquement dans l’école de journalisme parisienne où j’intervenais de mettre en garde les élèves ou les stagiaires sur la prudence à respecter dans l’exercice de la profession, prise comme rigueur intellectuelle et non mollesse de pensée. Comment se comporter face à des situations où les mots sont pris en otage ?

Je cite 
Hier, entre deux épreuves olympiques diffusées à la télévision, j’ai regardé sur France 3 le journal consacré à l’outre-mer d’une dizaine de minutes « Outremer.l’info ». Un reportage était consacré à la présence du député guyanais Jean-Victor Castor et de Mickaël Forrest du FLNKS aux Journées internationales de Corte (Haute-Corse). Lancement du journaliste présentateur : « Plusieurs territoires d’outre-mer invités par le parti indépendantiste corse Nazione, à l’occasion des journées internationales de Corte. Un rassemblement pour lutter contre la domination coloniale ». Sur un sujet sensible, et comme les guillemets utilisés en presse écrite ne sont pas utilisables ici, ne serait-il pas nécessaire de marquer de la distance et d’utiliser « je cite, contre la domination coloniale » ?

Prisonniers politiques

Dans le reportage même remarque. Le confrère dans son commentaire explique que « …parce que le combat des Kanak contre le dégel du corps électoral devient un exemple pour d’autres populations françaises et étrangères qui cherchent à se défaire du joug colonial » Aucune distance par rapport aux éléments de langage des orateurs, aucun recul. Ce qui donne l’impression que le journaliste devient porte-parole. Autre exemple dans ce commentaire : « Au-delà de recueillir la solidarité avec la Kanaky exprimée par une soixantaine de Corses présents pour cette première, les délégués kanak, actualité oblige, sont venus eux recueillir en terre méditerranéenne l’expérience des Corses en matière de gestion des prisonniers politiques ». En s’exprimant ainsi, le journaliste qui se devrait d’être impartial considère que les Kanak envoyés en détention ou assignés à résidence en métropole sont des prisonniers politiques. Une posture qui vaut quels que soient les actualités, les acteurs et leur idéologie, leur position sur l’échiquier.

Et dire qu’après quasiment un demi-siècle d’exercice, je continue à penser qu’une qualité journalistiques fondamentale est l’impartialité. Pauvre de moi !

Photo : M. Forrest présent à Corte, capture d'écran

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